Le tatoueur d'Auschwitz by Morris Heather

Auteur:Morris Heather [Heather, Morris]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: City Edition
Publié: 2018-05-25T12:13:24+00:00

14

Le lendemain matin, Lale se présente au bâtiment de l’administration et s’avance vers le bureau de Bella.

— Lale, où étais-tu passé ? demande Bella qui l’accueille avec un sourire chaleureux. On a cru qu’il t’était arrivé quelque chose.

— Auschwitz.

— Ah n’en dis pas plus ! Tu dois avoir besoin de matériel. Attends ici, je vais te réapprovisionner.

— Pas trop quand même Bella.

Bella lance un coup d’œil à Gita.

— Bien sûr, juste assez pour que tu puisses revenir demain.

— Tu me connais très bien, jeune Bella, merci.

Bella part chercher les fournitures pour Lale qui s’appuie sur le bureau et fixe Gita. Il sait qu’elle l’a vu entrer mais elle garde la tête baissée, affichant un air faussement timide. Elle passe le doigt sur ses lèvres. Une vague de désir envahit Lale.

Il remarque que la chaise à côté d’elle, celle de Cilka, est vide. Il se promet de découvrir ce qui se passe.

En quittant le bâtiment de l’administration, il se dirige vers la zone où se déroule la sélection car il a remarqué qu’un camion est déjà arrivé avec de nouveaux détenus. Il est en train d’installer sa table quand Baretzki surgit à ses côtés.

— Je t’amène quelqu’un, Tätowierer.

Lale n’a pas le temps de lever les yeux qu’il entend déjà une voix familière, à peine plus forte qu’un murmure.

— Salut Lale.

Leon se tient à côté de Baretzki – pâle, plus mince, voûté. Il avance en posant prudemment un pied devant l’autre.

— Je vous laisse à vos retrouvailles.

Baretzki s’éloigne en souriant.

— Leon, oh mon Dieu, tu es en vie !

Lale se précipite vers lui et le serre dans ses bras. Il sent chaque os à travers la chemise de son ami. Puis il s’écarte et l’examine à quelque distance.

— Mengele ? C’est à cause de Mengele ?

Leon ne peut que hocher la tête. Lale passe les mains le long des bras maigres de Leon, touche son visage.

— Le salaud. Un jour il aura ce qu’il mérite ! Dès que j’aurai fini ici, j’irai te chercher de la nourriture. Du chocolat, du saucisson, qu’est-ce que tu veux ? Je vais t’engraisser.

Leon lui sourit faiblement.

— Merci, Lale.

— Je savais que le salaud affamait les prisonniers. Je pensais qu’il n’infligeait ce traitement qu’aux filles.

— Si seulement il n’y avait que ça !

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

Leon regarde Lale droit dans les yeux.

— Il m’a coupé les couilles, Lale, dit-il d’une voix forte et ferme. On perd l’appétit quand on te coupe les couilles, tu peux me croire.

Lale a un mouvement de recul, horrifié. Il se détourne pour cacher son choc à Leon. Leon réprime un sanglot, scrute le sol comme s’il cherchait quelque chose à fixer, peine à retrouver sa voix.

— Je suis désolé, je n’aurais pas dû te l’annoncer comme ça. Merci de te soucier de moi. J’accepte ton offre avec reconnaissance.

Lale inspire profondément, s’efforçant de contrôler sa colère. Il a très envie de se déchaîner, de venger le crime commis sur son ami.

Leon s’éclaircit la voix.

— Y a-t-il une chance que je retrouve mon travail ?

Lale sent une chaleur lui monter au visage.

— Bien sûr. Je suis ravi de te reprendre. Mais tu dois d’abord recouvrer des forces.

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